lundi 16 septembre 2013

LE MODÈLE DU GUERRIER

l'archétype du guerrier


CASTANEDA, Carlos, Le voyage à Ixtlan Éd. Gallimard

 
 
Le modèle du guerrier est un archétype de l’inconscient collectif. On en trouve des manifestations à toutes les époques et dans toutes les cultures, qu’il s’agisse du Chevalier ou du Samouraï...


l’action


Le guerrier se réalise par son action dans le monde. Son yoga est le karma (action).
Son action se définit sur deux plans:


• à l’extérieur, le modèle du guerrier commande de se mettre au service d’une cause.

Il n’est pas ici question de porter un jugement de valeur sur les causes historiques servies par les guerriers, mais plutôt de retrouver l’esprit qui les animait.
• à l’intérieur, il commande au guerrier de travailler sur lui-même, car c’est avant tout sur lui-même qu’il doit remporter une victoire.


Don Juan, le héros de Castaneda, rappelle à son disciple :

" La différence entre un guerrier et une personne ordinaire, c’est que le guerrier voit tout comme un défi, une opportunité de grandir, alors que la personne ordinaire voit tout ce qui lui arrive comme une chance ou une malédiction. Le guerrier ne croit ni à la chance ni à la malédiction. Il prend complètement en charge ce qui lui arrive. "
Shambhala – La voie sacrée du guerrier Éd. Seuil
 

la guerre sainte


La guerre possède un symbolisme important. De ce point de vue – mais de ce point de vue seulement, je le précise – elle a pour fin la destruction du mal, le rétablissement de la paix, de la justice, de l’harmonie, aussi bien sur le plan cosmique que social.
Dans la tradition hindoue, la guerre est la fonction des kshatriya (guerrier en sanskrit) : Krishna est un kshatriya.
" Guerriers, guerriers, nous appelons-nous. Nous combattons pour la vertu élevée, pour le haut effort, pour la sublime sagesse. La victoire sur le soi dompté... "
Anguttara-nikâya
Dans la tradition bouddhique, qui m’intéresse d’autant plus que le bouddhisme est bien connu pour son pacifisme, on a recours pourtant au symbolisme guerrier. Le Bouddha est, lui aussi, un kshatriya. Dans le Dhammapâda, il est dit du Bouddha :

" Le guerrier brille dans son armure. "

Chez les bouddhistes tibétains en particulier, on accorde une place importante à la Voie du guerrier. Son entraînement vise à l’ouverture aux autres, à la compassion. Le maître tibétain Chögyam Trungpa définit ainsi cette démarche :
" Pour le guerrier, l’expérience du cœur tendre est ce qui lui donne son courage. La vraie bravoure est le fruit de la sensibilité. Vous êtes prêts à vous ouvrir au monde sans résistance et à faire face au monde. Vous êtes prêts à partager votre cœur avec les autres. Sans sensibilité, le courage est fragile comme la porcelaine. "
Initiation à la symbolique romane Paris, 1964, édité dans la collection " Champs ", 1977
 
 
Par ailleurs, dans la tradition chinoise, ce qui est combattu, ce sont les puissances destructrices. Les combats des sociétés secrètes sont des combats d’initiés : leurs guerres visent à abattre T’sing (les ténèbres) et à restaurer Ming (la lumière).


" l’affrontement des ténèbres et de la lumière "


On retrouve le même symbolisme en Occident, notamment au Moyen Âge, où sont apparus les ordres militaires : Hospita-liers, Templiers et les Chevaliers teutoniques. Ces guerriers se définissaient aussi comme des moines, car la véritable guerre sainte est celle qui se livre à l’intérieur.


" Quand il est parlé de guerre dans les textes traditionnels chrétiens, cette expression doit être aussi comprise dans un sens de guerre intérieure [...], précise Marie-Madeleine Davy. Il ne s’agit pas d’une guerre extérieure livrée avec des armes. La guerre sainte est la lutte que l’homme livre en lui-même. Elle est l’affrontement des ténèbres et de la lumière en lui. Elle s’accomplit dans le passage de l’ignorance à la connaissance. [...] Les armes et les combats de la guerre sainte sont d’ordre spirituel. "
 

En quoi l’archétype du guerrier peut-il nous être utile, ici et maintenant?

Nous traversons une crise de civilisation. Elle nous impose une redéfinition collective et individuelle. Dans cette rubrique, je vous propose une réflexion éclatée sur cette crise et sur les raisons pour lesquelles j’estime que le modèle du guerrier peut nous servir dans cette redéfinition.
 
 


l'émergence du nouveau guerrier

AUBREY, Bob.
Les nouveaux guerriers; France années 90: la quête de la maîtrise de soi
Éd. Autrment


Il y a quelques années, Bob Aubrey dans l’introduction d’un ouvrage collectif sur Les nouveaux guerriers  signalait " l’apparition d’un type d’homme et de femme dont le goût de l’action rappelle à maints égards l’archétype du guerrier ".

Plus loin : " Au premier niveau, ils (ces nouveaux guerriers) représentent ceux qui assument leur agressivité et qui acceptent la nécessité des conflits. Mais ils recherchent, au-delà de leurs luttes et leurs stress, l’idéal de la maîtrise de soi dans l’espoir de trouver du sens au travers de leur action. "

Depuis de nombreuses années j’observe, quant à moi, que le modèle du guerrier, sans qu’il soit pour autant toujours identifié ou reconnu comme tel, se manifeste de plus en plus dans divers domaines de l’action: celui du sport de compétition, de l’entre-prise, de l’action sociale, etc.
MILLMAN, Dan.
L’Athlète au cœur guerrier (éd. Vie nouvelle).
Le guerrier pacifique (éd. Soleil).


que ce soit dans le monde du sport...


L’entraînement physique dans le sport recouvre déjà la dimension de l’entraînement du guerrier traditionnel qui, dans certaines disciplines, par exemple celle des arts martiaux, passe par le corps. Mais c’est de la dimension psychospirituelle de l’entraînement de certains sportifs dont je veux ici faire état. L’entraînement des sportifs de compétition qui comporte désormais la maîtrise du mental, évoquant en cela celui du guerrier traditionnel.
Cette dimension, on la trouve aussi, entre autres, dans l’entraînement que suggère Dan Millman, champion du monde de trampoline et entraîneur de niveau international. Millman a fait paraître un ouvrage remarquable dans lequel il propose un profil du sportif " qui développe simultanément son mental, son affectif et son corps physique pour améliorer ses performances sportives et enrichir la qualité de la vie quotidienne ". Le sport, conçu jusqu’ici comme une activité exclusivement physique, devient avec Millman et d’autres le lieu d’une démarche globale, la maîtrise que le sportif acquiert par le sport s’étendant à l’ensemble de son être.
Dans la plus pure tradition zen, Millman suggère de susciter l’harmonie naturelle du corps, du mental et des émotions :
" Lorsque le corps, entièrement détendu et plein d’énergie, est sensible et ouvert à la vie; [...] lorsque les émotions, libérées de toute tension gênante, se manifestent comme pure émotion; [...] lorsque le mental, libéré des distractions internes n’est plus que pure attention à l’instant présent [...] un déclic se produit. C’est le satori, un état que connaissent occasionnellement tous les athlètes, les artistes, les musiciens, etc. "

La culture occidentale redécouvre ces années-ci divers chemins qui mènent à l’harmonie du corps et de l’âme. Millman n’hésite pas à suggérer d’absorber et d’intégrer ces enseignements pour former une nouvelle race d’athlètes. Mais que l’on aspire ou non aux sommets de l’athlétisme de compétition, ce qui n’est certes pas le fait de la plupart d’entre nous, nous pouvons par la pratique du sport, dans une perspective de développement personnel, améliorer notre qualité de vie. Millman suggère d’appliquer les règles athlétiques telles qu’il les définit aux plans mental et affectif aussi bien que physique, au Jeu de la Vie.
PATER, Robert.
Les arts martiaux et l’art du management,
Éd. Albin Michel
 

... dans le monde de l’entreprise...


C’est dans l’entreprise que Bob Aubrey, dont j’ai parlé précédemment, observe plus spécialement l’apparition de ce type d’homme et de femme dont " le goût de l’action rappelle à maints égards l’archétype du guerrier ". Il souligne plus loin que " ces ‘ nouveaux guerriers ’ portent plutôt l’attaché-case que le bouclier, la cravate que le blason; ils préfèrent les batailles économiques et sociales aux war games [...]. "
L’intérêt pour ce modèle dans le monde de l’entreprise s’est traduit par un courant alimenté par la parution de nombreux ouvrages destinés à " ce type d’homme et de femme ". Ce courant me paraît comporter deux voies. La première fait appel aux qualités du guerrier traditionnel telles qu’on les retrouve par exemple dans les arts martiaux.
" Être efficace dans l’action, écrit Robert Pater, se concentrer sur ses buts et développer toutes ses capacités mentales, physiques, spirituelles et émotionnelles, tels sont les objectifs clés des arts martiaux. "
CHAREST, Gilles.
Du management à l’écogestion,
Éd. Louise Courteau
 

C’est dans cette voie que l’influence de Miyamoto Musashi, légendaire escrimeur japonais, a été déterminante. Mais je ne voudrais pas donner l’impression que seule la tradition japonaise inspire une démarche sur cette voie. Nous sommes à l’ère planétaire et l’éclectisme, voire le syncrétisme, qu’on le veuille ou non, paraît inévitable, ce qui d’ailleurs rend difficile la distinction entre les deux voies dont je parle ici. Quoi qu’il en soit, la seconde met plutôt l’accent sur un travail sur soi inspiré par la psychologie moderne.
C’est ainsi que, comme l’écrit Gilles Charest :
" [...] le gestionnaire devra apprendre à gérer ses propres conflits personnels. Il devra apprendre à connaître les aspects divergents de sa personnalité et à faire la paix en lui-même d’abord. En fait, les conflits qui s’expriment dans la société et dans nos entreprises ne sont que le reflet de nos conflits intérieurs. "
HARMAN, Willis et HORMANN John.
Creative Work,
Éd. IONS
 

L’influence du modèle du guerrier dans l’entreprise, toutefois, n’est pas toujours aussi évidente. Elle se fait également sentir, selon moi, mais de façon plus discrète, dans la démarche amorcée ces dernières années avec l’apparition des concepts d’excellence et de qualité totale.
Lorsque je parle d’excellence dans le fonctionnement et de qualité totale des produits et des services, je ne suggère pas que l’efficacité est le but mais bien plutôt le moyen de trouver un sens à son travail, à son action; et aussi le moyen de s’atteindre par la démarche intérieure que la recherche de l’excellence inspire et par l’engagement au plan social qu’elle suggère.
Permettez-moi de schématiser. Cette démarche visait au départ à l’excellence dans le fonctionnement de l’entreprise, à l’efficacité des intervenants à tous les niveaux et à la qualité totale des produits et des services, ce qui allait exiger de la plupart des entreprises une nouvelle culture. Il s’agit ici d’un autre concept qui s’est imposé à la même époque. La culture d’une entreprise peut s’entendre comme l’ensemble des valeurs qui en inspire le fonctionnement, ou encore, comme le précise Gilles Charest :
" Ce que nous appelons l’esprit de groupe ou l’esprit d’une entreprise est en fait une forme-pensée, une forme de matière subtile née des aspirations de ses membres. Nous regroupons souvent sous l’étiquette de culture organisationnelle les valeurs, les aspirations qui lient les gens à l’entreprise. "
Il est rapidement apparu qu’une telle démarche, qui faisait appel à de nouvelles méthodes de gestion, parfois aussi à de nouvelles technologies, reposait en dernière analyse sur les ressources humaines. La démarche s’est alors traduite par diverses stratégies qui visaient au développement des employés dans l’entreprise et à leur motivation.
Dans un premier temps, on s’est préoccupé du développement professionnel de la main-d'œuvre. Et pour ce faire, des spécialistes ont été invités à animer des ateliers de formation (ou d’information) à l’intention des cadres puis, dans certains cas, des employés. Quant à la motivation, l’intérêt pour ce facteur d’excellence et de qualité totale s’est surtout traduit à cette étape par diverses améliorations apportées dans le milieu de travail: l'environnement lui-même mais aussi, entre autres, la communication interne.
Cette étape franchie, il est apparu qu’une telle démarche devait, en définitive, prendre appui sur l’excellence, la qualité totale des intervenants eux-mêmes. C’est ainsi que, dans certaines entreprises, on est passé de l’étape de la formation (information) des employés à celle visant à leur transformation. Autrement dit, du développement professionnel au développement personnel. Des concepts de l’excellence et de la qualité totale non plus seulement dans le faire, en ce qui concerne le fonctionnement de l’entreprise de même que des produits et des services, mais dans l’être.
En d'autres termes, l’excellence dans le fonctionnement et la qualité totale des produits et des services représentent un moyen de s’atteindre pour parvenir soi-même à un niveau d’excellence et de qualité totale. Par ailleurs, lorsque ce niveau est atteint ou qu’une démarche dans ce sens est poursuivie, cela se traduit par l’excellence dans le fonctionnement et la qualité totale des produits et des services, du fait de l’interaction des deux plans : le faire et l’être, à l’extérieur et à l’intérieur, sur lesquels la démarche se poursuit parallèlement.
C’est en quoi, me semble-t-il, cette démarche recoupe celle qu’inspire le modèle du guerrier.
Dans nos sociétés modernes, le monde de l’entreprise, des affaires comme on dit, représente une force considérable dans l’orientation de l’avenir. Ce sont les entreprises qui créent le plus d’emplois dans les sociétés capitalistes. Ce sont aussi les entreprises qui attirent la plupart des gens créatifs. Comme le font remarquer Willis Harman et John Hormann à propos du rôle constructif des affaires dans une société en transformation :
" L’entreprise moderne représente la forme d’organisation la plus adaptable qui ait jamais été conçue. À une époque de changement fondamental, on peut s’attendre à ce qu’elle joue un rôle déterminant. "
Voir dans le
Guide Ressources
(mai/juin 1991,
Vol. 6, N° 5)
un article dans lequel David Gershon définit les qualités du guerrier spirituel.
 


... ou dans le domaine de l’engagement social



Je suis, quant à moi, particulièrement sensible à l’engagement social du guerrier.
Voici quelques années, Jim Channan, lieutenant-colonel dans l’armée américaine, faisait paraître un livre surprenant, First Earth Battalion, dans lequel il suggérait de recourir aux techniques de guerre pour former des gens aptes à servir l’évolution sociale. Depuis, David Gershon, s’inspirant de cette vision, organisait le First Earth Run – course autour de la terre, qui a eu lieu en 1986, pour sauver la planète et à laquelle ont participé 25 millions de personnes dont 60 chefs d’État  –, expérience qui devait l’amener à concevoir ce qu’il appelle le guerrier spirituel.
" Pour que la cause de la Terre soit servie, affirme Gershon, il est temps que la voie de la contemplation et la voie de l’action s’unissent! "
Ces nouveaux guerriers doivent mettre leur action au service de Gaïa, la Déesse-Terre par un engagement dans le mouvement écologique. Mais, parallèlement à cette action dans le monde, le guerrier spirituel doit aussi poursuivre une démarche rigoureuse au plan psychospirituel. Ses qualités sont le courage, la discipline, l’impeccabilité, le pouvoir personnel, la dévotion, l’équilibre personnel, etc. Ce sont, en gros, celles du modèle traditionnel du guerrier.
WALSH, Roger.
Pour Survivre à l’An 2000,
Éd. de Mortagne, Coll. " Par 4 chemins ".
Dans son ouvrage Pour Survivre à l’An 2000, le Dr Roger Walsh évoque le modèle du guerrier, implicitement, lorsqu’il souligne la nécessité d’un engagement lucide qui suppose de poursuivre, parallèlement à l’engagement dans l’action et le service aux autres, une démarche personnelle au plan psycho-spirituel.
" Nous devons, rappelle Walsh,  [...] apporter notre contribution, mais dans un processus de croissance et de maturation personnelles. "
Cette idée n’est pas nouvelle. On ne peut guère parler du guerrier sans suggérer une liste de ses qualités telles que le courage, la discipline, l’impeccabilité, etc. Je ne trouve rien à redire à cela. Qui oserait en effet être contre la vertu? Mais j’ai parfois le sentiment qu’il s’agit ici de vœux pieux... et de mots dont on se gargarise. Il en va tout autrement du travail sur soi comme l’entend le Dr Walsh. La nécessité de progresser sur les deux plans à la fois: celui de l’engagement et celui du travail sur soi, fait chez le Dr Walsh l’objet d’une analyse, selon moi, magistrale.
Il faut dire ici que le Dr Walsh est psychiatre, professeur de psychiatrie et de comportement humain à l’université de Californie, engagé activement dans le développement de la psychologie transpersonnelle, très sensible au rapprochement entre les psychologies occidentale et orientale, bouddhique en particulier, et qu’il enseigne aussi la méditation vipassana.
Selon lui, la crise de civilisation que nous traversons aujourd’hui découle de nos croyances et de l’apprentissage social dont nous avons été l’objet. C’est à ce niveau que doit se faire le travail sur soi. Au niveau des peurs et des mécanismes de défense, au cœur même, comme il le souligne, de " la pathologie psychique de l’individu ". Parmi les mécanismes de défense qui s’appliquent plus particulièrement à l’étude des problèmes mondiaux, il mentionne la répression, la négation, la projection, l’intellectualisation et la rationalisation.
" Le résultat net de tous ces mécanismes de défense, c’est la ‘paralysie psychique’. Cet engourdissement de la conscience nous amène à nier la réalité du monde (et la nôtre) qu’il remplace par des illusions déformantes et flatteuses qui entretiennent nos perceptions fausses et trompeuses, alimentent nos dépendances et nos aversions, nous isolent et nous aliènent, tout en aggravant les problèmes qu’elles avaient pour but de nier au départ. "

 

Il n’y a pas de doute dans mon esprit que le guerrier doit poursuivre une telle démarche. Le savoir que la psychologie met à notre disposition est considérable, en particulier, je dirais, depuis que se précise l’apport de la psychologie orientale, et surtout bouddhique.
Une démarche aussi rigoureuse ne va pas sans une certaine souffrance: celle de constater que notre immaturité est en fait la cause profonde de tous nos problèmes et qu’il nous faut devenir adulte – un autre mot pour guerrier.
Fong, comme devise du guerrier
" Le héros est celui ou celle qui donne sa vie
pour quelque chose de plus grand que lui. "

Joseph Campbell
CAMPBELL, Joseph.
The Power of Myth – with Bill Moyers,
Éd. Doubleday


En terminant ce survol de quelques signes qui permettent de penser que le modèle du guerrier s’impose de plus en plus comme une réponse, au plan individuel, à l’éclatement des repères en cette période de crise, je veux mentionner l’influence, ces dernières années en Amérique, du mythologue Joseph Campbell.

Campbell parle du modèle du héros (le mot a ici le même sens que guerrier), car il s’agit du héros que chacun doit être dans le temps de sa vie. Son périple comporte trois étapes: le départ, qui correspond au début de la phase active; l’initiation par l’épreuve qu’il doit surmonter, qui correspond à la phase du milieu de la vie (le mitan comme on dit aussi) qui est souvent l’occasion d’une remise en question; enfin, le retour, qui correspond à la phase de la maturité, puis du vieillissement.
CHAREST, Gilles.
Du management à l’écogestion,
Éd. Louise Courteau
 

Le héros, rappelle Campbell, ne revient pas pour lui-même mais pour les autres. Il revient pour témoigner et vivre pour les autres, car il sait désormais que l’on vit les uns pour les autres. Il s’engage au plan social pour la suite du monde. Le héros revient donc, en fait, pour se placer dans des situations qui vont favoriser l’éveil des aspects supérieurs de sa nature, afin de poursuivre sa croissance.
Cette structure, qui est selon Campbell celle des grands mythes et qu’il rapporte ici au cycle de vie, ne sous-entend pas qu’il faille nécessairement attendre d’avoir passé le cap du mitan de la vie pour s’engager au plan social. On peut et on doit le faire à tout âge. Mais on observe que l’engagement découle souvent d’un certain travail sur soi en particulier au plan psychospirituel, à la faveur d’une remise en question de sa vie qui se produit chez la plupart autour de la quarantaine. C’est généralement le temps qu’il aura fallu pour acquérir du pouvoir dans le monde de l’action et comme l’observe Gilles Charest :
" Parvenu à ce stade de sa vie (celui où on se pose la question: le pouvoir pour faire quoi?), on a l’impression d’avoir prouvé suffisamment sa valeur, on a perdu le goût des combats à gagner pour se sentir vivant, on cherche un nouveau type de défis qu’on trouvera en mettant graduellement ses habilités au service de sa véritable mission d’être humain. C’est l’occasion d’un engagement plus conscient au service des autres. " 
 

On a pu observer depuis peu qu’un certain nombre de ceux qui, dans les années soixante, ont eu besoin d’aller à l’intérieur d’eux-mêmes pour apprendre quelque chose de fondamental qui leur échappait, ressentent maintenant le besoin de se tourner vers l’extérieur, de s’engager dans le monde; ce qui les aidera à revenir éventuellement à l’intérieur, mais plus en profondeur.

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